European Accessibility Act : votre site web est-il bien en règle avec la loi ?

Depuis le 28 juin dernier, le paysage du web européen connaît un bouleversement sans précédent. Longtemps cantonnée aux plateformes administratives, l’obligation d’accessibilité numérique s’étend désormais au secteur privé sous l’impulsion de l’European Accessibility Act (EAA). Entre impératifs d’inclusion et menaces de sanctions financières, les propriétaires de sites web doivent urgemment adapter leurs interfaces. Décryptage d’une directive qui place l’humain au cœur du code et sur ce qui change pour les sites e-commerce et les applications mobiles.

Différents icônes d’accessibilité (Crédit : Alex.I)
Différents icônes d’accessibilité (Crédit : Alex.I)

Ce qu'il faut retenir :

  • Une obligation étendue au privé : Depuis juin 2025, l’accessibilité numérique ne concerne plus uniquement le secteur public, mais s’impose à la majorité des services privés tels que l’e-commerce, la banque et les transports.
  • Un seuil d’exemption pour les TPE : Les micro-entreprises de moins de 10 salariés réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires bénéficient d’une exception, bien que la démarche reste recommandée pour leur image de marque.
  • Des risques financiers majeurs : Le défaut de mise en conformité peut entraîner des sanctions lourdes, avec des amendes débutant à 7 500 euros et des astreintes journalières pouvant grimper jusqu’à un plafond de 300 000 euros.
  • Une opportunité de croissance : Au-delà de l’aspect légal, rendre son site accessible permet d’améliorer son référencement naturel (SEO), d’optimiser l’expérience utilisateur globale et de capter une clientèle plus large, incluant les seniors et les personnes en situation de handicap.

EAA : une ambition européenne pour un web sans barrières

L’European Accessibility Act (Acte législatif européen sur l’accessibilité) marque un tournant historique dans la gestion des contenus digitaux. Cette directive, dont les bases furent posées en 2019, est devenue une réalité contraignante pour les acteurs économiques de l’Union l’été dernier. Son essence réside dans une volonté d’uniformisation : il s’agit de garantir que chaque citoyen, quel que soit son profil physique ou cognitif, puisse jouir des mêmes opportunités en ligne. Si l’accessibilité était jusqu’alors perçue comme un bonus éthique ou une contrainte limitée au service public via le RGAA en France, elle devient la norme en Europe. Cette réglementation vise à gommer les disparités entre les pays membres tout en offrant un cadre de navigation sécurisant pour les millions de personnes vivant avec un handicap.

Depuis le 28 juin 2025, certains produits, ordinateurs, terminaux, smartphones, équipements télévisuels, liseuses, et services, commerce électronique, téléphonie, médias audiovisuels, transports, services bancaires…, doivent répondre à de nouvelles exigences en matière d’accessibilité. La DGCCRF est une des autorités compétentes qui contrôle la conformité à la nouvelle réglementation de ces produits et services.
Économie.gouv.fr

Le passage de la sphère publique au monde marchand

Désormais, ce sont les services essentiels du quotidien qui sont visés par cette mise en conformité. Que l’on parle de sites de vente en ligne, de services bancaires dématérialisés, de plateformes de transport ou de terminaux de télécommunications, nul n’est censé ignorer ces nouveaux standards. Pour les usagers, cela signifie la fin d’un parcours du combattant pour des actions aussi simples que l’achat d’un billet de train ou la consultation de ses comptes en ligne. Cette extension au privé reconnaît enfin que la vie numérique ne s’arrête pas aux formulaires de la mairie ou de ceux des impôts (ils n’ont sans doute pas été voir du côté des impôts pour les professionnels), mais englobe l’ensemble des services.

Une loi qui épargne les plus petites structures

Malgré la portée universelle de ce texte, le législateur a souhaité conserver une certaine souplesse pour ne pas asphyxier les entrepreneurs individuels. Une clause de sauvegarde existe donc pour les très petites entreprises. Celles-ci, définies par un effectif inférieur à dix salariés et un chiffre d’affaires n’excédant pas deux millions d’euros annuels, ne tombent pas sous le coup de la directive. Cette distinction permet de concentrer l’effort de mise en conformité sur les acteurs ayant les ressources nécessaires pour transformer leurs outils. Toutefois, même pour ces petites entités, anticiper ces changements reste une stratégie pertinente pour élargir leur audience à long terme.

Redonner de l’autonomie à une audience oubliée

L’enjeu humain derrière ces optimisations de site est immense. Pour une personne non voyante utilisant un lecteur d’écran, une image sans texte alternatif est un mur infranchissable. Pour un internaute souffrant de troubles moteurs, un bouton « call to action » trop petit ou une navigation uniquement possible à la souris est considéré comme une exclusion. En rendant les produits et services plus accessibles, l’EAA s’adresse aussi aux seniors, dont les capacités visuelles ou cognitives peuvent décliner. L’amélioration des contrastes, la clarté de la hiérarchie de l’information (le balisage hN dans l’ordre) et la compatibilité avec les technologies d’assistance ne profitent pas qu’à une minorité. Elles améliorent l’expérience de navigation pour l’ensemble des internautes, créant un web plus ouvert et universel.

Les leviers techniques de la mise en conformité

Pour les gestionnaires et administrateurs de plateformes d’envergure, la transition repose sur des normes techniques précises, principalement les WCAG 2.1 et 2.2 au niveau AA. Ces standards internationaux définissent comment structurer le contenu pour qu’il soit perceptible, utilisable et robuste. Pour les grands sites, cela implique souvent un audit approfondi suivi d’une refonte des feuilles de style et de l’architecture logicielle. À l’inverse, pour les structures plus modestes, des pistes plus accessibles existent. L’utilisation de CMS modernes, le choix de thèmes déjà optimisés pour l’accessibilité et une attention particulière portée au sous-titrage des vidéos ou à la structuration des titres constituent de premiers pas significatifs. L’essentiel est d’intégrer ces réflexes dès la phase de conception pour éviter des corrections coûteuses a posteriori.

Les Règles pour l’accessibilité des contenus Web (WCAG) 2 sont développées dans le cadre du processus de W3C en collaboration avec des personnes et des organismes du monde entier, dans le but de fournir un standard unique commun pour l’accessibilité des contenus Web répondant, au niveau international, aux besoins des personnes, des organismes et des gouvernements.
w3.org

Le plan d’action prioritaire : les points clés du WCAG

Pour se mettre en conformité avec les exigences de l’EAA, les entreprises doivent s’appuyer sur les directives WCAG 2.1 et 2.2 au niveau AA. Ces standards ne sont pas de simples recommandations, mais une véritable feuille de route technique pour les développeurs. Voici les éléments prioritaires à vérifier pour garantir une structure robuste :

  • La perception des contenus : il est impératif de fournir des alternatives textuelles pour tout contenu non textuel, comme les images (attribut « alt ») ou les icônes, afin que les lecteurs d’écran puissent les interpréter.
  • L’adaptabilité visuelle : les contrastes entre le texte et l’arrière-plan doivent être suffisamment élevés pour être lisibles par les personnes malvoyantes, et la mise en page doit permettre un agrandissement du texte sans perte de fonctionnalité.
  • L’opérabilité au clavier : toutes les fonctionnalités du site, des menus déroulants aux formulaires, doivent être accessibles sans utiliser de souris, uniquement via la touche tabulation.
  • La clarté de la navigation : l’utilisateur doit toujours savoir où il se trouve sur la page grâce à un indicateur de focus visuel clair et des titres de pages explicites.
  • Le multimédia accessible : toute vidéo doit impérativement disposer de sous-titres synchronisés ou d’une transcription textuelle complète pour les personnes sourdes ou malentendantes.

Des solutions immédiates pour les petits sites web

Si les grandes plateformes engagent des audits lourds, les gestionnaires de sites plus modestes peuvent aussi engager des actions concrètes sans nécessairement posséder une expertise technique pointue. L’accessibilité commence souvent par de bonnes habitudes éditoriales et des choix d’outils judicieux :

  • Le choix d’un CMS moderne : privilégiez des plateformes comme WordPress en choisissant des thèmes explicitement étiquetés « Accessibility Ready ».
  • L’installation d’outils de test : utilisez des extensions gratuites comme Wave ou Axe DevTools qui permettent d’identifier en un clic les erreurs de contraste ou les balises manquantes.
  • La structuration sémantique : veillez à respecter une hiérarchie logique des titres (H1, H2, H3) pour que les outils d’assistance puissent dresser un plan de votre page facilement.
  • Le bannissement du « cliquez ici » : remplacez les intitulés de liens vagues par des textes explicites tels que « Télécharger le guide de l’accessibilité en PDF », ce qui aide grandement les utilisateurs de synthèses vocales.
  • La simplification des formulaires : assurez-vous que chaque champ possède une étiquette (label) clairement associée et que les messages d’erreur sont explicites plutôt que de simples bordures rouges.

Le prix de la négligence numérique

Le temps de la pédagogie laisse place à celui de la responsabilité, et le non-respect de ces règles peut s’avérer onéreux. Les sanctions prévues sont graduées, mais particulièrement dissuasives pour ceux qui ignoreraient leurs obligations. Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant débuter à 7 500 euros pour les infractions les plus simples. Cependant, c’est le mécanisme de l’astreinte journalière qui pourrait peser le plus lourd sur les finances des entreprises récalcitrantes. Avec des pénalités pouvant atteindre 3 000 euros par jour de retard, dans une limite globale de 300 000 euros, l’absence de mise en conformité n’est plus une option viable. Ces montants soulignent la volonté des autorités de faire de l’accessibilité une priorité absolue et non une variable d’ajustement technique.

EAA : une chance pour le web européen

Au-delà des contraintes juridiques et des risques financiers, l’European Accessibility Act doit être perçu comme une chance pour le web européen. En forçant les entreprises à repenser leurs interfaces, la directive favorise l’innovation et l’ergonomie. Un site accessible est, par définition, un site mieux conçu, mieux indexé par les moteurs de recherche et plus facile à utiliser pour tout le monde. Plutôt que de voir cette loi comme un fardeau, les propriétaires de sites ont tout intérêt à l’embrasser pour renforcer leur image de marque et s’ouvrir à un marché de plusieurs millions de consommateurs jusqu’alors négligés.

Thierry Chabot

Auteur : Thierry Chabot
Article publié le 17 décembre 2025 et mis à jour le 17 décembre 2025
Spécialisé en optimisation de site web, audit et corrections des erreurs trop souvent présentes sur les projets clients, je vous accompagne selon vos objectifs et vos besoins.

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