RGPD allégé ? Les propositions chocs du « Digital Omnibus » de l’UE pour les cookies

Les internautes européens sont habitués à naviguer dans un océan de bannières leur demandant d’accepter ou de refuser les célèbres « cookies ». Ce rituel, souvent perçu comme une corvée, a engendré ce que l’on nomme la « fatigue du consentement », poussant les utilisateurs à cliquer machinalement pour continuer leur navigation. La Commission Européenne vient d’annoncer un changement majeur. Dans le cadre de son ambitieux paquet législatif baptisé « Digital Omnibus », dévoilé le 19 novembre 2025, elle propose de réformer en profondeur le principe même de l’accord donné par l’utilisateur. L’objectif est clair : simplifier les règles pour réduire drastiquement la charge administrative qui pèse sur les entreprises tout en garantissant, voire en renforçant, la protection des données personnelles de chacun.

Des « cookies » sur un clavier de PC portable (Crédit : Alex.I)
Des « cookies » sur un clavier de PC portable (Crédit : Alex.I)

Ce qu'il faut retenir :

  • Fin des bannières répétées : L'utilisateur pourra définir ses préférences de cookies pour une période longue (jusqu'à six mois) ou via les paramètres de son navigateur.
  • Simplification pour les pros : Les cookies jugés « strictement nécessaires » et les traceurs statistiques simples (sans données personnelles) pourraient être exemptés de consentement préalable.
  • Objectif fluidité : La réforme vise à mettre fin à la « fatigue du consentement » en automatisant la transmission des choix utilisateur.
  • Horizon 2026 : Cette proposition, partie du paquet législatif « Digital Omnibus », doit encore être approuvée par le Parlement européen et les États membres pour une entrée en vigueur potentiellement en 2026.

RGPD : La Genèse d’une réforme devenue nécessaire

Il y a quelques années, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD, ou GDPR en anglais) a instauré une obligation stricte qui consistait à obtenir le consentement libre, spécifique, éclairé et univoque avant de déposer des cookies sur les appareils des internautes. Si cette mesure visait une meilleure protection des données, son application a conduit à la multiplication des pop-ups intrusifs et répétitifs que nous connaissons tous aujourd’hui.

Ironiquement, cette surabondance d’informations, loin de sensibiliser à la gestion des données personnelles, a créé l’effet inverse : l’internaute, lassé, cherche la voie la plus rapide vers le contenu, affaiblissant ainsi la protection qui lui est due. Face à ce constat, l’institution européenne cherche désormais à troquer ces demandes incessantes contre des mécanismes plus fluides et surtout plus efficaces. Elle reconnaît qu’il est temps de faire évoluer le cadre réglementaire pour l’adapter aux usages réels du web moderne.

Modernisation des règles relatives aux cookies pour améliorer l’expérience des utilisateurs en ligne : les modifications réduiront le nombre d’affichages des bannières de cookies et permettront aux utilisateurs d’indiquer leur consentement en un seul clic et d’enregistrer leurs préférences en matière de cookies via les paramètres centraux des navigateurs et du système d’exploitation.
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Adieu les bannières de consentement répétitives ?

L’une des propositions les plus significatives de cette réforme concerne la durée de validité du choix de l’utilisateur. Fini l’obligation de reconfirmer ses préférences à chaque nouvelle session ou, pire, à chaque page visitée. La Commission envisage de permettre aux utilisateurs d’accepter ou de refuser ces fameux traceurs pour une période prolongée, potentiellement fixée à six mois. Cela représenterait une réduction colossale du nombre de fois où l’utilisateur sera sollicité sur un même site.

De plus, une autre avancée majeure est mise en avant : la possibilité de configurer directement son navigateur ou son système d’exploitation pour qu’il gère automatiquement ces préférences. Une fois l’option « opt-in » (accepter par défaut) ou « opt-out » (refuser par défaut) choisie dans les paramètres du logiciel, les bannières de consentement pourraient, de fait, devenir totalement obsolètes pour ce visiteur. Le choix de l’utilisateur serait transmis en amont, simplifiant radicalement l’expérience de navigation.

Vers un allègement des règles pour certains traceurs ?

Toute l’économie du web ne repose pas que sur la collecte de données marketing. Certains petits fichiers sont tout simplement « strictement nécessaires » au bon fonctionnement d’un site web : ils mémorisent par exemple le contenu de votre panier d’achat ou votre langue de préférence, ou tout simplement votre propre « id » de session sur le site. Pour ces derniers, la Commission souhaite confirmer leur exemption de l’accord préalable de l’utilisateur, ce qui est logique et pragmatique. De manière plus novatrice, elle envisage également d’alléger les contraintes pour les cookies dits « statistiques simples ».

Ceux-ci sont cruciaux pour les propriétaires de sites afin de mesurer leur audience, mais ne traitent pas de données personnelles de manière intrusive. Si l’analyse ne croise pas de données d’identification et reste anonyme, l’obligation de consentement pourrait aussi être levée. Cet assouplissement marquerait une bouffée d’air frais pour les petites et moyennes entreprises qui dépendent de ces outils pour évaluer leur performance en ligne sans pour autant monétiser les données de leurs visiteurs.

L’automatisation au service de l’expérience utilisateur

La fluidité de l’expérience en ligne est au cœur des préoccupations. Pour que le choix du visiteur, exprimé une seule fois, soit respecté sur l’ensemble des sites, la CE propose la « transmission automatique des préférences ». Concrètement, cela signifie que les systèmes d’exploitation (comme Windows, MacOs, Android, iOS) ou les navigateurs web (Chrome, Firefox, Safari, Edge, etc.) seraient tenus de transmettre le choix de l’utilisateur de manière « lisible par machine ». Cette standardisation technique assurerait que la préférence « refuser » ou « accepter » soit comprise et appliquée instantanément par le serveur du site visité. Pour l’utilisateur, c’est la promesse d’une navigation plus rapide et moins interrompue, où ses choix initiaux sont enfin respectés sans avoir à répéter le processus indéfiniment.

Un effort de simplification numérique plus large

Il est important de noter que cette refonte du consentement n’est pas une mesure isolée. Elle s’inscrit dans un effort bien plus vaste de simplification de l’environnement numérique de l’Union Européenne. Le « Digital Omnibus » vise une cohérence globale des textes réglementaires. Il inclut notamment des ajustements ciblés du fameux RGPD (GDPR) pour clarifier certains points d’application qui ont pu générer des interprétations diverses et des charges administratives inutiles au fil des années. L’ambition est de créer un cadre numérique non seulement protecteur, mais aussi plus propice à l’innovation pour les entreprises européennes et internationales opérant sur son territoire. En allégeant les formalités sans sacrifier les principes fondamentaux de protection, l’UE espère redynamiser son marché unique numérique.

De la proposition à l’application, il y aura plus qu’un pas !

Attention, il est néanmoins important de se rappeler une nuance cruciale : bien qu’enthousiasmante, cette annonce n’est qu’une proposition initiale émise par la Commission. Pour qu’elle devienne une loi applicable, elle doit encore suivre le processus législatif européen complet. Cela implique l’approbation du Parlement Européen ainsi que l’obtention d’une majorité qualifiée au Conseil des États membres. Ce chemin peut s’avérer long et semé d’embûches, car chaque pays pourrait avoir des sensibilités différentes quant à l’équilibre entre simplification et protection des données. La date d’entrée en vigueur, si elle est adoptée, est actuellement anticipée pour 2026.

D’ici là, les propriétaires de sites devront continuer de se conformer aux règles actuelles, mais il est déjà temps de se préparer mentalement à cette évolution majeure, car elle promet de transformer radicalement l’interaction entre les utilisateurs et les sites web.

Thierry Chabot

Auteur : Thierry Chabot
Article publié le 20 novembre 2025 et mis à jour le 20 novembre 2025
Spécialisé en optimisation de site web, audit et corrections des erreurs trop souvent présentes sur les projets clients, je vous accompagne selon vos objectifs et vos besoins.

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